Les annuaires papier des Pages Jaunes ont été, et sont toujours aujourd’hui, une extraordinaire machine à imprimer de l’argent… Au cours de l’année 2008 (2009 n’étant pas encore disponible), le groupe Pages Jaunes a récolté des revenus de 1,7 milliard de dollars avec des bénéfices nets de plus de 509 millions (30%!) et environ 81% des revenus ont été générés par les annuaires papier. Tenez-vous bien: ces revenus de 1,7 milliard sont supérieurs au total des investissements publicitaires sur Internet en 2008 au Canada (incluant publicité graphique, publicité de recherche, petites annonces, etc.), lesquels totalisaient 1,6 milliard (source: IAB Canada) ! Mais est-ce que la lune de miel est sur le point de se terminer pour les Pages Jaunes ?

Personnellement, je n’utilise plus les gros annuaires papier des Pages Jaunes parce que les moteurs de recherche répondent mieux à mes besoins. Quand je cherche une entreprise, un commerce, un restaurant, je me pointe instantanément sur Google, où je trouve rapidement ce que je cherche et où je peux accéder à des compléments d’information utiles tels que la localisation du commerce avec Google Maps. Autrement dit, pour moi, les Pages Jaunes d’aujourd’hui et de demain, c’est Google (et, dans une moindre mesure, Bing et Yahoo). Les moteurs de recherche répondent aussi bien aux besoins des individus qui recherchent un produit ou un service, qu’aux entreprises qui peuvent se positionner pour rejoindre un grand nombre d’individus recherchant justement le produit ou le service à commercialiser, autant dans les résultats organiques que payants (ou les deux).

Le groupe Pages Jaunes a un urgent besoin de se renouveler, d’investir dans Internet, et les dirigeants de cette entreprise l’ont bien compris. Ça devient évident lorsque l’on jette un oeil à quelques-unes de leurs récentes acquisitions d’entreprises et le personnel influent oeuvrant dans l’Internet qu’ils ont récemment recruté :

  • Acquisition de Trader(autotrader.ca, hometrader.ca, autohebdo.net, etc.)
  • Acquisition de LesPAC.com (payée assez cher d’ailleurs, le dernier 50% ayant été payé pas moins de 25,2 millions de $, alors que la première moitié avait été payée 10,6 millions)
  • Prise de participation dans Dealer.com (45 millions de $ payés pour obtenir 20%!)
  • Embauches, à la fin de 2009, de plusieurs personnes influentes du Web, dont Patrick Lauzon (ex-Sun Media/Canoe, ex-Sympatico) et Nicolas Gaudreau (ex-Nurun, ex-Bell Canada/Bell.ca)

Mais même si le modèle d’affaires des Pages Jaunes sur Internet en venait à devenir plus solide dans l’avenir grâce aux acquisitions et au personnel en place, pourrait-il réussir à compenser la perte des revenus des annuaires papier ? Permettez-moi d’en douter. Lorsque je travaille avec des clients dans le domaine du commerce de détail pour établir leurs stratégies de publicité interactive, le SEM (au sens large, c’est-dire incluant SEO et PPC, comme le définissent notamment Forrester Research et eMarketer – voir ce billet à ce sujet) est un incontournable, la publicité graphique l’est souvent aussi, mais pas le site PagesJaunes.ca. Comment sera-t-il possible pour les Pages Jaunes d’en venir à avoir sur Internet un rôle aussi dominant que celui qu’ont pris leurs annuaires papier ?

On dit souvent que la bourse juge à l’avance de la performance d’un titre, et il semble bien que les boursicoteurs estiment eux aussi que les Pages Jaunes auront de la difficulté à renouveler rapidement leur modèle d’affaires et, surtout, à compenser la baisse appréhendée de ses revenus générés par ses annuaires papier. Ainsi, le titre du groupe Pages Jaunes est depuis les derniers mois à son niveau le plus bas et ce, même si le rendement de son dividende est très élevé :

  • Cote boursière (YLO.UN), au 4 janvier 2010, début de séance: 5,39$
  • Valeur comptable par action: 10,09$ (!)
  • Rendement depuis 1 an: environ -21%
  • Haut de la dernière année: 7,40$
  • Haut des 5 dernières années: 17$
  • Ratio cours-bénéfices DDM: 15,4
  • Rendement du dividende: 14,87% (!)