Le 27 juillet dernier, le Bureau de la publicité interactive du Canada (mieux connu sous son nom anglais: IAB Canada – Interactive Advertising Bureau) publiait son rapport annuel sur les investissements publicitaires Internet au Canada en 2008 (rapport détaillé en anglais seulement). Je ne m’attarderai pas à faire une analyse générale de ce rapport puisque plusieurs l’ont déjà fait depuis sa publication. Je me contenterai de rappeler que c’est dans ce rapport que l’on a démontré que les investissements publicitaires Internet atteignaient 1,6 milliard de dollars en 2008 et dépassaient pour la première fois ceux de la radio, ce qui fait maintenant d’Internet le 3e média en importance analysé sous cet angle (après la TV et les quotidiens). Comme à chaque année, ce rapport du BPIC estime les investissements publicitaires sur Internet de l’année précédente non seulement au total, mais aussi par segments (par type de publicité interactive, par catégorie d’annonceur, etc.). C’est en analysant la croissance des investissements publicitaires par langue (anglais VS français) depuis 2006 que l’on se rend compte d’une tendance pour le moins troublante: alors que les investissements publicitaires en anglais augmentaient de 42% de 2006 à 2007 et de 31% de 2007 à 2008, ceux en français augmentaient respectivement de seulement 25% la première année et 22% la seconde. Ouch. Si on analyse la croissance sur 2 ans, de 2006 à 2008, le marché anglais a crû de 86% contre seulement 52% pour le français. Le français représentait environ 22% des investissements publicitaires au Canada en 2006 contre environ 20% en 2008. À noter que, selon Statistique Canada, les francophones représentent plus de 22% de la population canadienne (recensement 2006 = 22,1%), ce qui peut être interprété comme une « sous-représentation » au niveau des investissements publicitaires.

Une autre façon de voir les choses: si le marché français avait crû aussi rapidement que l’anglais depuis 2006, il représenterait aujourd’hui environ 387 millions… soit, tenez-vous bien, 70 millions de plus qu’en ce moment!

omment expliquer cette tendance et ce manque à gagner pour le marché francophone? Sans être les seuls facteurs, je vois au moins 2 raisons qui expliquent — du moins en partie — cette situation :

  • La proportion sans cesse grandissante des investissements publicitaires planifiés à Toronto
    Les planificateurs médias de Toronto ne connaissent pas aussi bien le marché francophone que le leur (lire: anglophone). Même si les rapports de comscore MediaMetrix peuvent les aider à faire leurs planifs en français, il y a fort à parier qu’ils n’exploitent pas toujours le marché francophone autant qu’ils le devraient. Exemple: « Les francophones représentent environ 22% de la population francophone ? Arrondissons un peu, 20% de ma planif suffira ».
  • Le bilinguisme des francophones
    Les Canadiens francophones, en général, sont à l’aise en anglais et « consomment » au moins à l’occasion des pages en anglais, alors que l’inverse n’est pas vrai (les anglophones ne naviguent pas vraiment en français). Résultat: on peut effectivement rejoindre quelques francophones en plus des anglophones lorsqu’on s’affiche sur des sites en anglais.

Quoi qu’il en soit, il faut tenter de renverser la vapeur et viser à ce que la proportion des investissements publicitaires sur Internet en français soit au moins équivalente à la proportion de la population francophone, c’est-à-dire 22%. Et le meilleur moyen pour arriver à ce que le marché francophone soit bien représenté, c’est au moins de faire planifier le français… par des francophones !